Conseil Municipal du 27 mars 2024
Interventions de Juliette CHESNEL-LE ROUX, Présidente du Groupe écologiste
25.1 Débat d’orientation budgétaire
Monsieur le Maire,
Chers Collègues,
L’exercice du débat d’Orientations Budgétaires de la Ville de Nice est politique et comptable.
Une fois n’est pas coutume, permettez-moi de me lancer dans un commentaire de texte afin de relever certaines omissions et choix discutables qui ont attiré mon attention dans votre Rapport d’orientation.
Tout d’abord, il est indéniable que nous évoluons dans un environnement complexe. La période actuelle est marquée par des événements internationaux bouleversants tels que la guerre en Ukraine. A cela s’ajoutent des catastrophes naturelles comme les tempêtes Alex et Aline qui ont ébranlé notre Territoire. Ces aléas ont entraîné une augmentation des coûts qui pèsent obligatoirement sur les finances de la Ville. Vous n’en êtes pas responsable et nous le savons. Tout cela, ce sont des faits. Nous ne reviendrons pas dessus.
En revanche, certains choix budgétaires, à votre main pénalisent lourdement les finances des Niçois.
Prenons par exemple l’Hôtel de Police Mutualisé, dont le coût exorbitant en fait le commissariat le plus cher de France.
Il est attendu que nous déboursions plus de 200M€, dont 108 seront prélevés directement dans la poche des Niçois. Tout cela pour condenser les forces de l’ordre en un seul et même lieu alors qu’il faudrait au contraire les répartir pour que nos concitoyens, se sentent en sécurité, quel que soit leur quartier de résidence. Au lieu de cela, vous choisissez d’investir massivement dans du matériel de surveillance vidéo dont l’efficacité n’a toujours pas été prouvée. Est-ce vraiment la meilleure allocation de nos ressources pour garantir la sécurité de nos concitoyens ?
De même, l’aménagement de la Coulée Verte sur les décombres du TNN et du Palais Acropolis est un investissement luxueux dont la ville va mettre des années à en payer les frais.
Dans un autre registre, il y a également cette volonté persistante d’accueillir tous les événements sportifs possibles et imaginables, et notamment les Jeux Olympiques d’Hiver en 2030. Ce projet, que vous nourrissez avec nos édiles régionaux, n’a jamais fait l’objet d’aucune consultation publique. Combien d’argent allons-nous encore dépenser pour un de ces nouveaux spectacles éphémères dont vous avez le goût ? Prendrez-vous le risque d’endetter la Ville sur 15 ans pour une vitrine de 15 jours ? Et quid de l’impact écologique de toutes les installations jetables, patinoire temporaire, village olympique ? Mais nous en reparlerons plus tard.
En ce qui concerne la fiscalité, le Rapport évoque pudiquement une « nécessaire adaptation des ressources ». C’est une jolie façon d’éluder l’amende de 7M€ que vous nous obligez à subir pour vous exonérer des obligations de la loi SRU. La loi SRU est le socle de l’égalité républicaine. Elle permet à nombre de concitoyens de se loger dignement à l’heure où le parc immobilier privé pratique des loyers indécents. C’est une aberration de vouloir la remettre en cause, c’est la loi. Vous avez voulu faire fi des obligations légales en matière de logements et c’est la collectivité qui en paye les frais.
Ensuite vous mettez en avant le taux exceptionnellement bas de notre fiscalité qui n’aurait pas bougé depuis 2009. Mais vous oubliez des détails qui n’ont rien d’anecdotiques. Vous oubliez l’augmentation que vous avez voté lors de votre 1ère année du 1er mandat en 2008, soit +75% d’augmentation du taux de la part communale de la taxe foncière entre 2007 et 2024. De même, vous ne prenez visiblement pas en compte la nouvelle taxe métropolitaine de 6.4% sur le foncier bâti qui s’est ajoutée à la taxe municipale en 2018. Vous ne mentionnez pas non plus l’augmentation de 2 points de la taxe des ordures ménagères en 2023, et celle à venir de la nouvelle taxe GEMAPI pour 2024. C’est une omission qui n’est pas sans conséquence. Car les Niçois sont aussi des citoyens de la Métropole et, contrairement à notre assemblée, ils n’ont pas 2 budgets différents pour payer leurs impôts.
La dette de la Ville de Nice gravite donc autour de 550M€. 550M€ qui s’ajoutent aux 1.7 milliards de la Métropole. Avec une durée de vie résiduelle de la dette de 15 ans et 7 mois ( ce sont vos chiffres), c’est très inquiétant. C’est le tonneau des Danaïdes.
Hélas, nous ne sommes pas surpris par ces annonces. Nous l’avions même dit publiquement il y a un an. Vu l’état des finances de la ville et la course effrénée que vous menez vers des projets dispendieux et inutiles, les impôts ne pouvaient qu’augmenter.
Nous y voilà donc, avec votre proposition d’augmenter le taux de la taxe foncière de 20%. Sans compter la revalorisation mécanique des bases de 3.9% et une valeur locative à Nice des plus élevées de France. Ces mesures vont peser lourdement sur les ménages niçois déjà éprouvés par les hausses successives des taxes métropolitaines.
J’arrive ici au bout de mon commentaire de texte. En conclusion, il est temps que la gouvernance de notre ville adopte une approche plus responsable en matière de gestion budgétaire. Les choix actuels semblent davantage dictés par des projets pharaoniques que par une véritable prise en compte des besoins de nos concitoyens, école, sports pour nos jeunes, culture et apaiser la ville.
En tant qu’élus d’opposition, nous continuerons à défendre les intérêts des Niçois et à exiger une gestion plus prudente des finances publiques.
Je vous remercie.
0.3 : Jeux olympiques d’hiver de 2030
Monsieur le Maire, cette délibération énumère les lettres de garanties que vous allez envoyer à Lausanne, au CIO :
La première (G12) nous engage à livrer le village olympique (sur la rive gauche de l’avenue Simone Veil, en face de Ikea) et la nouvelle patinoire à côté du stade Allianz. Il est indiqué dans cette lettre que la ville de Nice s’engage à financer 20% de la patinoire.
Mais nous, élus municipaux qui devons voter ces engagements, nous ne disposons pas des informations nécessaires : Qui va payer ce village olympique ? Est-ce que ce seront des bâtiments temporaires ou ces bâtiments seront-ils convertis pour un usage ultérieur, habitation ?
Combien va coûter cette patinoire olympique ? Nous financerons 20%, mais 20% de combien ? Quelle sera la jauge de cette patinoire ? On a lu dans la presse que ce serait une patinoire de 12000 places pour les épreuves masculines, et une autre patinoire pour les épreuves féminines serait, celle-là, de 6000 spectateurs.
Je m’arrête là : à quoi pourra donc servir une patinoire de jauge 12000 places à Nice, une fois les JO terminés ? Nous qui ne savons même pas remplir notre stade Allianz pour des matches de notre équipe OGC Nice ?
Concernant le Palais des Expositions, esplanade M’al Delattre de Tassigny, là, je ne comprends pas bien. Vous vous engagez auprès du CIO à mettre le Palais des Expositions à disposition du CIO pendant la période des jeux en 2030. Mais alors, quid des travaux du Palais des Arts et de la Culture ? Quel est le calendrier des travaux du futur Palais des Expositions ? Les JO seront-ils accueillis dans ce nouveau Palais ?
La 3ème lettre de garantie (G14) est étonnante. Elle confirme qu’aucun site « permanent » ne sera construit près d’une zone naturelle ou de culture protégée. Alors là, c’est osé quand même. Vous avez expulsé des agriculteurs pour construire la voie de 40 mètres. Vous avez modifié le PLUm pour rendre ces zones non naturelles, non agricoles. Et maintenant, vous affirmez aisément que la zone concernée n’est pas, n’est plus une zone naturelle.
Alors nous ne voterons pas cette délibération.
Et nous réaffirmons notre opposition à ce projet des Jeux Olympiques et paralympiques d’hier 2030 dans les Alpes françaises étendues de Annecy à Nice en passant Briançon. Un projet imposé aux populations sans consultation ni débat public, un projet incompatible avec les limites planétaires et climatiques.
Intervention de Jean-Christophe PICARD
Il est proposé au conseil municipal du 27 mars 2024 de prendre acte du rapport d’observations définitives de la Chambre régionale des comptes sur la gestion de la commune de Nice dans le cadre des enquêtes régionales sur la politique sportive et la politique culturelle de la ville pour les exercices 2015 et suivants.
J’interviens au nom du groupe écologiste :
C’est un rapport qui contient de nombreuses observations intéressantes. Je suppose que les services ont spontanément prévu d’en tenir compte.
Il y a une seule recommandation mais qui est d’envergure : améliorer le contrôle et l’évaluation des conventions passées avec les associations sportives et les sociétés sportives professionnelles, d’une part, et les associations culturelles, d’autre part.
Nous reviendrons néanmoins sur quelques passages…
1/ Depuis 2011, la collectivité a mis en place des conventions de partenariat avec des sportifs de haut niveau niçois ou licenciés à Nice…
Je cite le rapport : « la chambre observe que la commune n’effectue aucun contrôle sur l’utilisation de ces fonds publics. En particulier, elle n’exige aucun justificatif de dépenses, ni a fortiori de justificatif de non-prise en charge des frais par les clubs (qui bénéficient également de subventions municipales) ou par d’autres financeurs ».
Une des contreparties de ces conventions de partenariat était de participer à des animations pédagogiques dans les écoles de la ville de Nice, au moins une fois par an. A priori, une fois par an, c’est trop pour certains sportifs censés être très attachés à notre ville…
La Chambre dit ainsi : « la participation des sportifs de haut-niveau aux animations pédagogiques doit faire l’objet d’un suivi plus rigoureux pour les impliquer davantage et constituer une condition sine qua non pour le renouvellement éventuel de cette aide financière. »
2/ Le rapport rappelle que « la commune n’a pas pu mettre à disposition du TNN les trois salles pérennes nécessaires à la poursuite de son activité, comme elle s’y était engagée auprès du ministère de la culture pour obtenir l’autorisation de démolition. Le conseil municipal n’a pas été informé en amont du coût de la relocalisation du TNN ».
Surtout, il est dit que « la relocalisation du TNN sur plusieurs sites (Franciscains, Palais des Arts et éventuellement Arènes de Cimiez) entraînera des charges de fonctionnement supplémentaires pour le TNN, en termes de logistique et de moyens humains. La collectivité n’a pas transmis à la chambre de documents ou d’études prévisionnelles sur ce sujet ».
3/ Le rapport nous apprend l’existence d’un rapport intitulé « La Victorine, une renaissance dans le monde d’après », payé par la ville, qui vous a été remis en juin 2020. Ce rapport n’a pas été communiqué au conseil municipal. Après le rapport de la Mission Port, après celui sur le futur méga hôtel de police, encore un rapport classé top secret !
4/ Enfin la Chambre relaye certaines informations que vous lui avez fournies. Pouvez-vous les confirmer devant le conseil municipal ?
Il est évoqué un Palais des Arts et de la Culture, annoncé initialement en 2025, serait désormais livré pour 2027… Pouvez-vous nous confirmez cette date ?
La Chambre évoque également le plan piscine… Pouvez-vous dire au conseil municipal où il est en est ? Je crois que France 3 Côte d’Azur se pose également la question…
Studios de la Victorine : une convention mal ficelée
Il était proposé au conseil municipal du 27 mars 2024 d’approuver le choix du délégataire et les termes du contrat dans le cadre de la concession de service public pour le financement, la conception, la réalisation et l’exploitation des Studios de la Victorine.
J’interviens au nom du groupe écologiste :
Le 30 juin 2022, le conseil municipal approuvait le principe de concession de service public pour le financement, la conception, réalisation et l’exploitation des studios de la Victorine. Vous annonciez un montant minimum d’investissement de 35 millions. Cette précision est importante puisque la durée de la concession est corrélée à la durée d’amortissement des investissements. Donc, 35 ans pour 35 millions.
Le 31 mars 2023,, le conseil municipal déclarait infructueuse la procédure et lançait une procédure sans publicité ni mise en concurrence…
Aujourd’hui, vous nous demandez de retenir l’offre du groupement Color/CCI…
Le contrat de concession détaille des dépenses d’investissement à hauteur de 37,5 millions. Il est précisé que « ces montants intègrent la subvention du CNC » qui s’élève à 5,9 millions. Le concessionnaire investira donc 37,5-5,9 millions, soit 31,6 millions. On s’écarte un tantinet des 35 millions prévus initialement…
Mais ce n’est pas tout. On imagine qu’en 35 ans, le concessionnaire aura le temps de capter d’autres subventions, du CNC, de la région, de l’Europe, etc.
On pourrait penser que ces futures subventions augmenteront mécaniquement le montant des investissements à réaliser ou diminueront mécaniquement la durée de la concession. Ce serait logique. Mais vous ne fixez aucun cadre en ce sens.
Certes, Vous prévoyez une procédure de réexamen (article 37), ce qui est bien. Et si cette procédure n’aboutit pas, il est prévu une conciliation. En cas d’échec de cette conciliation, il faudra se tourner vers le tribunal administratif…
Et que va faire le juge administratif ? Il va lire le contrat de concession et notamment l’article 30 qui stipule ceci : « Le Concessionnaire peut solliciter des subventions et participations auprès d’entités tierces pour contribuer aux opérations d’investissement à sa charge. »
Bref, on attribue une concession de 35 ans à un concessionnaire parce qu’il est censé investir 35 millions sauf qu’il investira moins, voir beaucoup moins que 35 millions ! Et le contrat que vous proposez l’y autorise expressément.